Lorsqu'on fait une école de journalisme, ou lorsqu'on recherche à se former sur le tas à cette profession, il y a quelques règles de bases à respecter. Ces règles sont celles qui garantissent la fiabilité de base de l'information, se sont les garanties démocratiques liées à l'exercice même du métier, elles distingues ainsi le journalisme du propagandisme. Rien n'interdit à un journaliste d'avoir des opinions, pas plus que de les exprimer. Ce que la déontologie interdit au journaliste, c'est de présenter des opinions (les siens, ou celles d'autres personnes) comme étant des faits avérés. Le premier travail du journaliste consiste donc à rapporter LES FAITS. Et pour ce faire, il y a un préalable qui consiste à "recouper les faits", "recouper les témoignages", vérifier et revérifier encore les informations et la fiabilités des sources. sans cela, on ne ferait que rapporter des "ouis dire" ... La lecture de la presse écrite, l'écoute de la presse radiophonique, la vision de la presse télévisuel haïtienne semblent très souvent dénués de cette pratique de base... les paroles volent dans le souffle du vent. Il ne s'agit pas ici de stigmatiser la presse haïtienne dont l'actuelle dérive est à l'image, de plus en plus fréquente, de la presse internationale (de plus en plus souvent au mains de grands trust industrialo financier). Il s'agit de percevoir à quel point il y a unanimité dans la pratique de la presse haïtienne à faire médiocrement métier, au mieux, bêtement de recopiage, ou au pire de propagande sous couvert d'information. L'actuelle période électorale est un de ces moments exemplaires pour illustrer ce genre de dérives. Il suffit qu'un journal étranger ayant un peu de dimension face une annonce concernant le pays, pour qu'aussitôt on retrouve le même propos repris (sans analyse, sans recoupement, sans interview auprès des personnes concernées, etc.), bêtement et simplement recopié, voire dramatisé artificiellement pour attirer le lecteur. A la limite, ici comme ailleurs, lorsque l'on avait une presse d'opinion, qui donc n'avait pas la prétention de la "neutralité" comme aujourd'hui, et lorsque ces opinions étaient diverses... la garantie d'avoir une information complète, sérieuse, recoupée et vérifiée était beaucoup plus grande qu'aujourd'hui dans cette belle et unanime médiocrité. Si l'on s'attache aux faits, à leur retranscription, il reviendra au lecteur de se faire sa propre opinion mais les "journalistes", enfin leur grande majorité car il reste malgré tout quelques "puristes" (ils n'ont pas tous été tués sur les marches de l'entrée de la radio nationale), travaillent aujourd'hui comme ce que Serge Halimi (Le Monde Diplomatique) a appelé des "chiens de garde". Ils sont en effet dispensateurs non pas d'information mais de "prêt-à-penser", cette macdonalisation intellectuel, qui consiste non pas à faire réfléchir mais à dire aux gens ce qu'ils doivent penser. La présentation faite dans la presse d'un certain nombre de candidats à la présidence (et il est vrai qu'ils n'ont pas tous un passé très reluisant) relève ainsi de cette malhonnêteté intellectuelle. On rapporte des "choses", elles ne sont jamais étayées par des enquêtes, encore moins par des témoignages (même sous couvert d'anonymat). On oit donc un défilé d'actes de diffamations pures et simples, la latitude dans notre pays dépourvu de toute législation régulatrice et de toute force juridique à même de conduire les auteurs de ses mensonges devant des tribunaux leur laissent donc le loisir de déformer voire de trahir la vérité en toute liberté. Mais une "presse libre" n'est pas une presse libre de tout dire. Une "presse démocratique" est une presse qui ne dit que ce dont elle s'est elle-même assurer de l'exactitude. Nous avons donc, dans cet ordre d'idée, en Haïti, une absence quasi totale de presse libre et démocratique. Nous avons par contre pléthore de propagandistes. Cela ne serait pas un problème en soit s'ils avaient la décence de se présenter au public en tant quel tel et non, faussement, comme pourvoyeur d'une information neutre et détachée de tout intérêt partisan. Pour bien faire ce métier, il FAUT AVOIR DES OPINIONS, mais il ne faut pas faire semblant de ne pas en avoir. Au contraire, c'est en affirmant le point de vue depuis lequel on parle, que les critiques, les commentaires et les informations que l'on donne peuvent prendre toute leur ampleur parce qu'elles sont vues sous un certain éclairage, qui a le courage de ce dire. J'invite donc mes soeurs et mes frères haïtiens à considérer le contenu de la presse avec un regard plus dubitatif, moins confiance et moins ingénu. Je les invite, dans la mesure de leurs propres moyens, à faire ce que la presse ne fait plus pour eux, c'est-à-dire à recouper leur information auprès du plus grand nombre de sources possibles, mais aussi à toujours considérer avec scepticisme le résultat de leur démarche. Car dans l'ombre se cache, une chose souvent encore pire que la propagande inavouée, la rumeur... _________________ Adrien LIBRIS D'ISILEA Journaliste indépendant
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